LA SAUVETE
1 - Definition de la sauveté
La sauveté est étroitement liée à la notion
du droit d'asile. Cette " loi ", qui est apparut dès l'époque
paléochrétienne, interdit à quiconque de poursuivre des
fugitifs à l'intérieur d'un périmètre autour des
églises. En 681, le Concile de Tolède précise cette zone
de protection en fixant sa périphérie à 30 pas autour
de l'édifice religieux.
A l'époque carolingienne, le droit d'asile a été renforcé
grâce à l'évolution de l'institution de l'immunité.
Ce privilège, délivré aux évêchés
et aux grandes abbayes, interdisait aux agents du pouvoir royal de pénétrer
dans le patrimoine foncier de l'église pour y exercer leur pouvoir.
Dans le cas où les biens d'une église n'étaient pas délimités
par une clôture, cette zone d'immunité ne s'étendait en
réalité qu'au lieu de culte et au cimetière.
Ces zones d'asile ont été établies pour la protection
des faibles, des déshérités, pour abriter les populations
contre les excès de la force brutale. Vers la fin du XIe siècle,
le pape Urbain II s'était exprimé de la sorte :
" Il nous a plu, et nous croyons qu'il vous sera agréable à
vous-même de fixer les limites sacrées dans lesquelles s'exerceront
l'immunité et la franchise de ce lieu qui doit être pour vous
et pour tous les chrétiens un lieu de vénération. Qu'aucun
homme, donc, de quelque condition qu'il soit, n'ait l'audace de tenter, dans
l'enceinte des limites, contre notre défense expresse, une invasion
petite ou grande, d'allumer l'incendie, de se livrer au vol, à la rapine,
d'enlever un homme, de le frapper, de le mutiler, ou, ce qu'à Dieu
ne plaise, de le mettre à mort. "
Il faut toutefois préciser que les personnes qui se réfugiaient
dans les sauvetés ne pouvaient bénéficier d'une quelconque
protection si elles étaient prises en flagrant délit de crime.
De plus, les lois de " franchises " étaient instaurées
dans un esprit de protection certes, mais surtout dans l'intention de favoriser
le peuplement par un apport extérieur. De nombreuses agglomérations
ont connu leur agrandissement et leur prospérité par ces conditions
favorables.
2 - Sauveté de Mimizan
La sauveté de Mimizan est délimitée par de hautes
bornes surmontées de croix afin qu'elles parussent de loin au milieu
de la plaine découverte. Au centre de cet espace se trouve l'église
de l'ancien prieuré bénédictin Sainte Marie. Autour de
cette maison de religieux vinrent se grouper les maisons d'un bon nombre d'habitants
du pays. Cet endroit obtint ainsi des privilèges considérables
qui favorisèrent l'accroissement de la ville naissante.
Nous retrouvons les premières mentions de la sauveté de Mimizan
en 1009 et 1032 à l'occasion de la confirmation par le Duc Sanche Guillaume
de la donation de l'église de Mimizan à l'abbaye de Saint-Sever.
Mais, ce n'est qu'en 1270 que nous trouvons la première mention de
la salvitas de Mimizan, qui appartenait alors au roi-duc. Parmi les nombreuses
coutumes, franchises et libertés dont a bénéficié
la communauté, certaines concernent la sauveté :
" Les habitants de Mimizan doivent accorder protection à toute
personne qui la requiert, protection qui doit être confirmée
par le bailli. Tant que ces personnes demeureront dans les limites de la sauveté,
le seigneur ne peut les arrêter, ni confisquer leurs biens. "
La sauveté de Mimizan était délimitée probablement
par 9 pyramides formant un polygone irrégulier, placées autour
de l'ancien bourg. A la fin du XIXe siècle, il n'en restait que sept,
mais pas bien longtemps avant, on en comptait encore neuf. Actuellement, seules
4 bornes sont encore visibles.
Bâtis sur des monticules, ces édifices sont carrés et
s'élèvent à une hauteur de 4,10m à 4,50m. Sur
leur base, qui peut avoir 2m de côté, s'élève une
série de quatre dés, diminuant chacun de grosseur et formant
quatre étages. Ces pyramides sont construites en blocs de minerai de
fer (garluche), d'un grain très riche. Elles étaient autrefois
surmontées d'une croix.
3 - Les autres sauvetés dans les Landes
La sauveté de Mimizan n'était pas au moyen âge
un privilège exclusif en Gascogne. On trouvait des lieux de refuge
semblables à Saint-Sever, à Uchacq où l'ancienne église
était située dans une enceinte formée par quatre croix
placées aux angles d'un carré d'environ 250 mètres. L'église
de Saint-Girons en Marensin possède aussi une sauveté formant
un losange. D'autres sauvetés se trouvaient à Soulac, à
Lüe,à la Sauve, à l'Hôpital de Notre-Dame de Cazalis
et au Barp où les possessions de l'hôpital-prieuré de
Saint-Jacques étaient limitées par quatre croix éloignées
d'une lieue au maximum l'une de l'autre, appelées " les quatre
franquesses de l'Hôpital du Barp "
Ainsi, les voyageurs de ces temps, pèlerins et autres, trouvaient sur
leurs chemins des refuges dans les zones inhospitalières et peu sûres
comme sur la route du littoral de Saint Jacques : Soulac, Marestan, Mimizan,
Saint-Girons et Bayonne.